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DATAVIRGO : le projet est en ligne

Par
Quentin Bernet (Étudiant/ ENS-PSL)
, modifié le
12 octobre 2022
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Après une maturation de plus de six mois, Datavirgo est en ligne. Ce projet de visualisation iconographique et numérique a pour but d’interroger les potentialités offertes par l’application de la science de la donnée à l’Histoire de l’Art et plus particulièrement à l’iconographie.

Datavirgo analyse les dynamiques d’un sujet iconographique, ses déplacements et sa concentration au fur et à mesure des régions et des années, à l’aide de la cartographie interactive.

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Atelier de Robert Campin (Jacques Daret?), Vierge à l’enfant dans un intérieur, avant 1432, huile sur bois, Londres, National Galler
Atelier de Robert Campin (Jacques Daret?), Vierge à l’enfant dans un intérieur, avant 1432, huile sur bois, Londres, National Gallery.

Pour cela, ce projet se concentre sur un phénomène iconographique concret, bien limité dans le temps et l’espace : la Vierge d’Humilité. Apparu vers 1340, ce motif antagoniste de la Vierge en Majesté est caractérisé par le fait qu’au lieu d’être sur un trône, la Vierge est assise par terre ou sur un support rudimentaire tel qu’un coussin, une pierre ou un banc de gazon. Il s’est rapidement répandu aux quatre coins de l’Europe avant de décliner au XVIe siècle.

La base de cette visualisation repose sur le concept de milieu visuel développé par Pierre Francastel dans la Figure et le Lieu [1967], se référant à l’ensemble des expériences sociales et artistiques formant une culture visuelle commune aux spectateurs et aux artistes d’un même lieu ou communauté.

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Aperçu des différents marqueurs de la carte
Aperçu des différents marqueurs de la carte.

En cartographiant la provenance des œuvres, Datavirgo représente les influences et les modèles artistiques qui en sont à l’origine, une sorte de modélisation de ce milieu visuel, en l’occurrence de la Vierge d’Humilité, permettant alors différents types d’analyses. Combinée à la visualisation temporelle, cette observation permet d’assister à des phénomènes intéressants et difficilement visibles jusqu'alors.

Méthodologie

Il a fallu, dès la conception du projet, réfléchir à la conversion -question fondamentale en humanités numériques- des objet artistiques en données, capables d’être traitées par ordinateur. Les œuvres ont été rassemblées à l’aide de différentes sources, catalogues de musées, ouvrages scientifiques et même recherche de terrain, puis réunies dans un jeu de données (un fichier CSV) structuré autour de plusieurs variables : Index, titre, créateur, date (nominale), dates numériques (traitées par l’ordinateur), données spatiales, puis une série de variables iconographiques, basées sur des critères présents ou non sur l'image.  Le jeu de données a été traité grâce à la librairie pandas de Python, la carte a quant à elle été programmée en Javascript. Dans les données récoltées, la plus importante en termes de méthode scientifique est celle de l’indice de précision : de 1 à 4, en fonction de la qualité des informations relatives à l'œuvre sur sa provenance, son créateur et sa datation. Cet indice modifie directement la taille et l’opacité des marqueurs bleus présents sur la carte. Les marqueurs noirs correspondent quant à eux à un indice 1 : œuvre à l’origine parfaitement localisée (souvent une fresque toujours exposée dans son lieu de création). Le curseur chronologique vous permet quant à lui d’afficher les marqueurs compris dans un certaine période. Un simulateur permet aussi de créer une animation qui montre le développement et le dispersement de l’iconographie, de 1340 à 1540. La barre de recherche, enfin, permet de trouver un point en particulier.

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L'interface principale de Datavirgo : sa carte interactive

Résultats

C’est de cette façon que Datavirgo donne corps aux dynamiques iconographiques de la Vierge d’Humilité principalement sous la forme d’une carte interactive, en représentant la concentration des œuvres sous la forme d’un nuage. Ce nuage relève d’une logique similaire à celle de la heatmap : les différences de couleur (liées ici aux différences d’opacité) expriment les différentes concentrations d’œuvres par endroit. Mais cette opacité varie aussi en fonction de la provenance des données et de leur précision. Aussi, le nuage suggère, de façon intuitive, le taux de concentration et de probabilité de présence des œuvres à un endroit donné, à un instant T. Ce nuage peut être affiné sur la base de critères iconographiques, grâce à un système de filtres : vous pouvez sélectionner l’une des variations de la Vierge d’Humilité (exemple : la Vierge de l’Apocalypse) et observer ainsi sa répartition.

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Galerie virtuelle, programmée grâce à Omeka

Datavirgo comprend aussi une galerie virtuelle qui permet directement de naviguer à travers les œuvres. Cette galerie propose un mode de suggestion, qui lors de la sélection d’une œuvre et sur la base de critères spatiaux, temporel et artistiques, permet de suggérer des Vierges d’Humilité similaires ou issues d’un même milieu artistico-culturel.

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Un mode de suggestion : la galerie virtuelle
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Un autre mode de suggestion, directement dans la carte interactive

 

 

Dans la même logique, les marqueurs de la carte permettent d’afficher les différentes œuvres auxquelles ils sont rattachés, avec dans certains cas la possibilité de remonter la piste de l’œuvre en découvrant les modèles liés. Ces dernières fonctionnalités permettent une exploration du corpus plus dynamique, plus intuitive, et rendent également compte des liens inhérents aux productions d’un même milieu visuel.

Datavirgo montre comment les outils informatiques et la science de la donnée ouvrent de nouvelles voies quant à la modélisation et l’analyse iconographique.

Le porteur du projet

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Quentin Bernet

Issu d’une khâgne Histoire de l’Art au lycée Saint-Sernin de Toulouse, Quentin Bernet est diplômé d’un Master d’Histoire de l’Art de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et plus récemment du Master Humanités numériques de l’École du Louvre ; à l’issue d’un double parcours dans ces institutions. Il s’est intéressé aux questions d’iconographie religieuse, d’historiographie et d’épistémologie, autour de l’étude de la circulation des images en Europe, aux XIVe et XVe siècles. Aujourd’hui, il met à profit les outils d’analyse et de visualisation de données pour interroger les perspectives ouvertes par les humanités numériques dans ces domaines, avec un projet de thèse en préparation à l’EHESS.

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